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Photo du rédacteurMaurice Johnson-Kanyonga

Et la santé mentale des enfants dans tout ça ?

Dernière mise à jour : 27 nov. 2020



Comme un masque sur le visage


Deux mois de confinement, huit semaines d’arrêt, une quarantaine imposée dont on ne peut pas encore mesurer les conséquences et déjà des cris de toutes parts pour relancer l’économie, pour éviter la catastrophe sociale et la récession qui se profilent.


Tous ont parlé, chacun exprimant son point de vue et ses craintes ; à la TV, en radio, dans la presse et sur les réseaux sociaux. Tous …sauf les plus jeunes.

Accusée dès le début de la crise comme principal vecteur, on l’a enfermée, barricadée, bâillonnée et oubliée : la jeunesse n’a pas eu voie au chapitre.


Gentiment, silencieusement et avec discipline, les jeunes se sont pliés aux exigences. A toutes les exigences : celles des parents qui leur ont demandé du calme pour télétravailler, celles des enseignants qui les ont invités à réviser les matières vues en classe et celles du gouvernement qui brandissait la menace de contamination des grands-parents.


La fermeture des écoles et le confinement, mesures nécessaires à la gestion de l’épidémie, ont été assimilées lors des premières semaines à des vacances avec la joie de se retrouver en famille et de partager quantité d’activités. Mais très vite les parents ont été mis à rude épreuve : s’adapter à un rythme différent, composer avec le télétravail ou le chômage partiel, l’école à la maison et le manque de sorties entraînant son lot de stress, d’anxiété et de nervosité dont les conséquences sur la santé physique, mentale et le bien-être des enfants sont loin d’être négligeables.


Les nouvelles de l’extérieur, des médias et des réseaux sociaux, effroyables et inquiétantes, ont rajouté encore un peu plus de poids sur la vie des enfants.

Enfin, la mise à l’arrêt de toutes les activités sportives, artistiques, culturelles ou ludiques, en d’autres termes, la rupture de tout lien social a, quant à elle, laissé de nombreux jeunes sans repères.



Stress et anxiété


Bien que chaque situation soit différente, les enfants de tout âge partagent un point commun, celui d’être de véritables éponges émotionnelles, bien plus sensibles au ressenti de leurs parents qu’au leur. Ce n’est pas nécessairement l’enfant qui ressent du stress et de l’angoisse face à la crise du COVID mais plutôt les adultes. Si certains jeunes se referment sur eux-mêmes pour ne pas déranger des parents déjà débordés et nerveux, d’autres réagissent par des comportements agressifs, voire même dangereux. Avec la fermeture des écoles et l’annulation d’événements, beaucoup de jeunes passent à côté de certains des moments les plus importants de leur vie et se voient privés de plaisirs

quotidiens tels que les discussions avec leurs amis. Les conséquences qui découlent alors de cette période inédite entraînent de l’anxiété, de la confusion, de la colère, et parfois même des symptômes de stress post-traumatique (troubles alimentaires ou troubles du sommeil).


Après huit semaines, on voit déjà apparaître des cas de phobie de la contamination, de frustration, d’ennui, et de pathologies chroniques.

Les signes de stress chez les plus jeunes se manifestent par des peurs, des cauchemars, une régression du langage et de la propreté, une perte ou une augmentation de l’appétit, de la colère ou une attitude exigeante.

Pour les autres, on parle d’irritabilité, de colères, de céphalées, de comportements agressifs, de maux de ventre, d’isolement, de troubles du sommeil ou de l’appétit, d’oublis et de compétition au sein de la fratrie pour s’accaparer l’attention des parents.


S'ajoute à cela le fait que le confinement expose certains enfants à un risque accru de violences ou les en rende témoins si leur maison n'est pas un endroit sûr. L’ennui et l’anxiété provoqués par cette incarcération sanitaire ont également un impact sur la consommation d’alcool, de tabac ou de substances toxiques. De très nombreux jeunes ont sans doute aussi passé beaucoup de temps devant des écrans avec le risque d’accumuler encore plus de troubles comme des maux de dos ou de tête.


En outre, les inégalités sociales, le décrochage scolaire ou la malnutrition liée à des difficultés économiques s’accentuent encore avec le confinement.

Si le stress du confinement peut produire des perturbations psychologiques et physiologiques, les inquiétudes induites par le déconfinement et la réouverture des écoles peuvent affecter encore un peu plus le moral des enfants par la peur d’être exposé au virus mais aussi de la ramener à la maison.


Même si certains parents acceptent ce retour en classe sur base volontaire estimant qu’il relève de leur responsabilité ; pour d’autres, ceux qui ont peur mais qui sont obligés de renvoyer leurs enfants à l’école parce qu’ils n’ont pas le choix, la situation sera un peu plus difficile : ils risquent d’être très anxieux, très précautionneux, asphyxiant même en appelant et contrôlant sans cesse leurs enfants…faisant exploser leur niveau de stress.


Pourtant les faibles risques de transmission du virus par les plus jeunes restent mal connus et suscitent de nombreuses interrogations de la part des parents comme des enseignants.


Cette supposée implication des enfants dans la pandémie était d’autant plus hasardeuse qu’une étude parue récemment a démontré que les enfants de moins de 10 ans étaient très nettement moins porteurs du virus que les adultes.



Détente et accalmie


Pour les parents qui craignent davantage le retard scolaire plutôt qu’une exposition au virus, un regard sur les grandes privations d’écoles dans le passé permet d’être relativement rassuré quant au rattrapage pédagogique qui sera entrepris à la reprise graduelle des cours.

Et même s’il apparaît clairement que cette reprise partielle ne représente que quelques jours de présence à l’école pour les élèves concernés, elle n’en reste pas moins hautement positive dans la mesure où plus encore qu’un retour aux cours, elle permet d’abord au lien social de se renouer. Enfants et adolescents pourront ainsi partager leurs émotions et leur ressenti avec leurs pairs, apaiser la tension, éviter la dépression et limiter le décrochage scolaire.


D’ailleurs, les adolescents dans leur grande majorité sont ravis d’y retourner, surtout pour retrouver les copains ...mais aussi pour se distancier un peu des parents. Contents de retrouver la liberté, ils restent malgré tout conscients qu’individuellement il leur faudra maintenir la vigilance et continuer d’observer les gestes barrière. Le principal risque réside finalement dans l’effet de groupe, le côté pulsionnel qui peut générer de la perte de prévention et qui angoisse déjà certains parents. Ils ont peur du relâchement de leurs ados une fois qu’ils seront de retour à l’école.


Heureusement, des services de santé mentale et de soutien psychosocial restent en place comme ceux de la protection de la jeunesse pour garantir que les soins soient toujours disponibles pour les enfants qui en ont besoin comme le précise le docteur Véronique Delvenne de l’HUDERF.

Le retour à une vie normale n’est certainement pas encore à l’ordre du jour, néanmoins le maintien d’une régularité du rythme de vie et la reprise des premiers contacts familiaux vont positivement aider les familles à reprendre leurs marques en douceur. Plus encore, la pratique d’activités culturelles, sportives et sociales doit maintenant être intégrée dans le plan de déconfinement car si jusqu’ici la gestion de la crise du coronavirus a poussé le gouvernement à prendre des décisions avec un horizon limité, pour répondre à l’urgence, je rappelle que la réflexion sur les jeunes est avant tout un questionnement sur l’avenir.

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