Egalité entre les sexes, Journée internationale des Droits de la femme, ruban blanc, collectif Ni putes, ni soumises, violences conjugales, le chemin à parcourir est encore long...
Egalité entre les sexes, Journée internationale des Droits de la femme, ruban blanc, collectif Ni putes, ni soumises, violences conjugales, le chemin à parcourir est encore long... Voilà presque 6 mois qu’éclatait l’affaire Harvey Weinstein, célèbre producteur hollywoodien, accusé de harcèlement sexuel et de viol par une douzaine de femmes qui donnèrent l’impulsion à un mouvement parsemé de témoignages et de dénonciations à travers les maintenant célèbres #metoo lancé par l’actrice Alyssa Milano et sa version française #balancetonporc entrainant la mise au ban du cinéaste ainsi qu’une série de personnalités stigmatisées pour leur comportement déplacé envers la gente féminine. En France, une enquête menée en 2010 indique que 16 % des femmes et 5 % des hommes déclarent avoir subi des rapports sexuels forcés ou des tentatives de rapports forcés au cours de leur vie (6,8 % des femmes déclarent des rapports forcés et 9,1 % des tentatives ; et respectivement 1,5 % et 3 % des hommes).
Une jeune femme sur 10 de moins de 20 ans déclare avoir subi des attouchements au cours de sa vie et près d’une sur 10 (respectivement 8,9 et 8,4 %) des conversations à caractère pornographique ou des tentatives de rapport forcé.
Les attouchements surviennent très majoritairement pendant l’enfance et l’adolescence : 50 % des femmes concernées les ont subis avant l’âge de 10 ans et 50 % des hommes avant l’âge de 11 ans. Près de la moitié des attouchements ont été immédiatement suivis d’une tentative de rapport forcé ou d’un rapport forcé (50% pour les femmes, 44 % pour les hommes)
Chez nous, le film documentaire « Femmes de la rue » de Sophie Peeters diffusé en 2012 traitant des agressions verbales à caractère sexiste dans la rue dans le quartier Anneesens–Lemonnier au centre de Bruxelles avait secoué la population belge en traitant d'un sujet encore tabou.
Récemment, la polémique s’est orientée avec le choix du rappeur Damso pour l’écriture de l’hymne national supposé accompagner les Diables Rouges lors du prochain Mondial en Russie.
De nombreux détracteurs se sont levés pour dénoncer le choix de l’artiste connu pour tenir des propos sexistes et peu respectueux à l’égard des femmes. Dans un premier temps, le reproche fait à l’Union belge était que Damso ne rassemblait pas, là où un hymne national doit fédérer le public avant que la pression des sponsors, Dominique Leroy (CEO de Proximus) en cheffe de file, ne fasse plier les patrons du football belge, renvoyant Damso à ses chères études.
« […] en chien, on traite les femmes comme des chiennes, normal c’est Marc Dorcel qui a fait notre éducation sexuelle […] » les paroles de la chanson « effet boule de neige » de G.A.N, un autre rappeur bruxellois, dénonceraient-elles un phénomène nouveau ?
Selon une étude de l’ULG, 30% des consommateurs de pornographie sont des jeunes de 13, 14 ans. Bien avant que leur vie sexuelle ait commencé, nombre d’adolescents ont déjà visionné des images pornographiques. Certes, la curiosité sexuelle n’est pas nouvelle, elle fait d’ailleurs partie de la construction identitaire d’un individu. Ce qui est nouveau, c’est le développement de l’industrie porno - grâce à internet notamment- et l’ultra-accessibilité des images ! …il suffit d’un smartphone dans la cours de récré.
A partir des simples termes de recherche« femme+sexe » introduits sur Google, le jeune internaute à accès à 3.740.000 résultats en 0,35’’ ; majoritairement en accès gratuit (du moins au début) et surtout sans qu’aucun filtre de contrôle ne soit actif, sans aucune mise en garde sur le caractère explicite des contenus, sans obstacles réels.
Et les parents ne sont pas armés face à ce bouleversement. Les images et les contenus que visionnent leurs enfants sont bien éloignés de ce qu’ils regardaient, eux. On n’est plus dans des catalogues de lingerie mais bien dans du hard violent, spécialement à l’encontre des femmes. Des images de scènes brutales et douloureuses, de pénétrations multiples enchaînées par plusieurs partenaires, des plans caméra pendant lesquels une jeune-femme entourée par plusieurs hommes sera déshabillée, étranglée, frappée, et crachée dessus avec un type qui la traite de salope, de pute, et des clichés accentués par des caractères physiques ‘hors normes’ ou ethnicisés.
Des images qui conduisent -dans la vraie vie- à des agressions à caractère sexuel dont les jeunes filles sont les premières victimes. Ces jeunes n’ont pas conscience que les actes qu’ils posent sur le corps de quelqu’un vont avoir une répercussion émotionnelle. Les comportements sexuels très violents et irrespectueux conduisent à un phénomène de dissociation chez ces jeunes en construction de leur personnalité. Au lieu d’élaborer leur propre fantasmagorie sexuelle, les jeunes se la construisent sur celle, souvent transgressive, perverse et misogyne de la pornographie.
Une fille qui dit NON, veut en fait dire OUI…
L’accès facile à la pornographie banalise la violence sexuelle et les conséquences sont sans appel : les violences conjugales ont augmenté de 12% en Belgique pour l’année 2017. Selon le dernier rapport d’Elke Sleurs, secrétaire d’Etat à l’Egalité des chances, 25% des coups et blessures ont lieu au sein du couple alors qu’un quart des femmes hébergées en maison d’accueil ont entre 18 et 25 ans.
Psychologiquement, les dégâts touchent davantage les garçons, persuadés qu’ils doivent être performants, endurants et virils …bien que les filles ne soient pas en reste. Pour elles, il est surtout question de l’image de leur corps, supposé être « parfait » …sans avoir conscience des trucages. La sexualité est une composante essentielle de la vie humaine, l’être humain est d’ailleurs naturellement inventif à cet effet. Il y a donc un danger évident à codifier et formater la sexualité à travers la pornographie dont les objectifs sont avant tout commerciaux.
Au-delà du fait de son caractère commercial et financier pour satisfaire la demande décuplée par internet, la pornographie s’apparente à une forme d’exploitation des plus faibles au profit de la liberté sans limites des autres. Les montants générés, plus de 100 milliards de $ selon l’Université d’Ottawa (Canada), en gardant à l’esprit que ces activités se développent à travers des réseaux peu transparents, voire complètement illégaux, en sont la preuve évidente.
Danger sur les plus jeunes !
La pornographie impose le plus précocement possible son modèle : plus tôt on habitue le consommateur, plus forte sera la dépendance parce qu’avant même qu’il ait eu le temps de découvrir et de développer sa propre imagination, celle-ci sera vidée de sa substance par des images préfabriquées comme le souligne l’essayiste français Michel Onfray :
« les films porno procèdent d’un canevas unique dans lequel le scénario est réduit à portion congrue : pas d’histoire, pas de personnages, pas de psychologie des sujets, pas de dialogues ou si peu, pas de décors, pas d’intrigues, pas d’acteurs capables de jouer autre chose que des scènes corporelles, juste un fil rouge constitué par l’enchaînement de scènes sexuelles ».
De ce fait, la sexualité dans son aspect mécanique et technique et la course à la performance individuelle conduisent à une sortie de la vision relationnelle, à une séparation entre le corps, la vie émotionnelle et la vie intellectuelle. Et pour les jeunes-filles et les jeunes-garçons qui entrent dans l’adolescence, la construction de leur identité est plus ardue aujourd’hui que pour les générations précédentes. Le rapport aux autres, la composition aléatoire de la cellule familiale, le communautarisme, la technologie, la notion de respect, la stigmatisation, le vocabulaire réducteur ethnicisé ou à caractère raciste qui banalise la violence verbale et accentue la ségrégation sociale sont autant de défis de notre époque. La société mondialisée d’aujourd’hui implique également la prise en considération des différences culturelles auxquelles appartiennent les jeunes et qui n’entretiennent pas le même rapport à la sexualité, maintenant parasitée par les images souvent violentes que renvoie la pornographie en accès libre.
ETUDIER LES CLICHES DU PORNO POUR APPRENDRE A LES DECODER
Il est essentiel qu’une information soit apportée aux adolescents pour contrer l’impact et la désinformation du porno.
Abandonnée par l’école, trop peu prise en charge par l’éducation parentale, elle-même confrontée à des traditions culturelles différentes et bousculée par la pornographie via internet, la jeune génération est, sur le plan sexuel, relationnel et affectif, en perte de repères.
Les parents ne sont pas formés à ça, les enseignants et les professionnels de l’éducation sont de plus en plus souvent confrontés à des incidents ; l’éducation sexuelle et affective est donc une nécessité, non seulement en ce qui concerne la contraception et les MST mais aussi et surtout pour la connaissance essentielle de ce qu’est le corps et le respect de celui-ci. Tout comme l’éducation reste une nécessité pour comprendre et décoder internet, les media, l’audiovisuel et le monde de l’image.
Au Danemark, le professeur Christian Graugaard, sexologue de l’Université d’Aalborg, propose carrément le visionnage de films pornographiques en classe avec comme but de faire des jeunes des consommateurs conscients et critiques. Pour lui, ceux qui essaient d’imiter ce qu’ils voient dans les films sont condamnés à la déception.
Les cours d’éducation sexuelle sont obligatoires au Danemark depuis 1970 mais selon Christian Graugaard c’est encore un pays en voie de développement en matière d’éducation sexuelle…
L’éducation sert à enrichir l’esprit pour favoriser l’imagination et la créativité parce que l’être humain est le seul être vivant capable de dépasser la réalité corporelle et à érotiser sa sexualité. C’est pourquoi il est essentiel que l’éducation sexuelle reprenne sa place dans les écoles pour ne plus nous condamner à uniformiser, formater ou codifier nos rapports aux autres.
L’information à destination des parents, des enseignants et des éducateurs sur ce que les enfants et adolescents peuvent trouver (trop facilement) sur internet, à savoir des contenus pornographiques violents, cruels et avilissants, doit également être à l’ordre du jour et faire l’objet d’actions sur le terrain politique pour en limiter l’accès.
DE PORNOGRAPHIE A PROSTITUTION
La pornographie instrumentalise le corps et habitue son consommateur à utiliser celui de l’autre pour son propre plaisir, à n’importe quel moment, à n’importe quel prix.
L’impact sur des enfants qui grandissent dans une société où l’on revendique : « ton corps t’appartient » est donc considérable !
En effet, « s’il m’appartient, j’ai le droit d’en faire ce que je veux » et donc de le vendre…
La banalisation de ce type de point de vue s’est encore vérifié récemment sur internet où des jeunes-filles mettaient en vente leur virginité au plus offrant ; insufflant ainsi des réflexes de conduite particuliers auprès des jeunes : l’insulte la plus fréquente étant « sale pute » …in fine, la prostitution n’est donc jamais loin.
A l’âge où les jeunes se posent des questions, si les adultes n’y répondent pas, cette génération ira trouver ses réponses sur internet avec les risques que l’on connaît.
La pornographie comme produit de consommation est donc aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique, sans conservatisme, ni censure, il s’agit d’abord de protéger nos jeunes.
(ndr : mise à jour lundi 11 septembre 2023 - intégration du lien vers l'EVRAS)
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